Les photos sont de Thibault.
Depuis une trentaine d'années, la ville de Meaux offre le pestacle historique de son histoire pestaculaire. 'Offre', c'est une façon de parler, vu que les places ne sont pas données, sauf que Thibault se débrouille toujours pour les avoir à un bon prix. C'est au coeur de la Cité Episcopale.
La cité épiscopale est un ensemble architectural magnifique, hérité du Moyen Âge, intégralement conservé. Imaginez un quadrilatère formé par le flanc nord de la cathédrale Saint Etienne, le Palais Episcopal, la Posterie et le Vieux Chapitre. On a installé là des gradins et le Vieux Chapitre constitue le fond de la scène. Quel fond de scène superbe ! Un édifice du Xllle siècle, avec des tourelles en encorbellement, un magnifique escalier couvert collé contre la façade à la Renaissance. Et au milieu de tout cela, un vaste espace, une arène où peuvent évoluer des centaines de figurants.
Eh bien, mes amis, on en a pris plein les yeux. Les éclairages, les effets lumineux, les projections, la pyrotechnie, les centaines et centaines de costumes, la foule des figurants, les chevaux, les canons, les carioles... On est émerveillé. On traverse les siècles dans un foumillement de couleurs, de personnages, des plus nobles aux plus humbles, de jeunes enfants sautillent, des vieillards cheminent... Le maréchal-ferrant fait tinter son enclume, les religieuses trottinent comme des souris, des couples s'enlacent, des têtes tombent, la neige voltige et descend en tournoyant, les canons crachent le feu, le peuple qui se révolte sort, fantomatique, de la brume...
Mais les oreilles ! Je ne vous dis pas. Le pestacle est accompagné par une voix "off" qui débite un charabia pseudo-poétique, une accumulation d'images, de comparaisons, de métaphores qui vous embrouille le cerveau, que les neurones se font des noeuds et qu'au bout d'un moment on ne sait plus très bien ce qu'on nous raconte. C'en est pénible. Que dis-je pénible, c'est une souffrance ! On reconnait bien des épisodes de l'histoire de la ville qui s'inscrivent dans l'histoire de France, mais on pourrait faire l'économie de cette logorrhée et dire les choses simplement. Le public autour de nous n'était pas composé d'agrégés d'histoire. Qu'est-ce qu'il a compris et retenu de la grande jacquerie de 1358, du rôle de mon ancêtre Jacques Lefèvre d'Etaples au XVle siècle, du passage d'Henri IV ?
Heureusement, un jeune récitant, à la voix claire et nette, à la diction parfaite, incarne une jeune soldat de 14-18 (Je ne dis pas un poilu, tant son jeune visage avenant est lisse et imberbe). Il sert de fil conducteur et ponctue le pestacle de ses interventions bien venues.
L'idée d'un pestacle vient de ce qu'il y a une trentaine d'années on a voulu commémorer le tricentenaire de la nomination à Meaux par Louis XlV d'un nouvel évêque, Bossuet, qui avait été le précepteur du Dauphin. Le grand Bossuet méritait bien cela, mais ce qu'on en voit dans le pestacle m'a paru un peu ridicule : sa statue vivante y est sculptée au milieu de personnages, ses contemporains : cela dure ! On a droit aussi aux divagations de Gérard de Nerval, de passage à Meaux comme un cheveu sur la soupe (le passage comme les divagations).
Ces réserves faites, je ne me suis pas ennuyé, et j'ai eu l'impression d'assister à un son-et-lumière, de feuilleter un grand livre d'images, sans chercher à trop approfondir, mais sans émotion aussi, alors que l'histoire du peuple meldois, de ses souffrances, de sa marche vers la liberté aurait pu me toucher davantage.